🇫🇷 POÉSIE
Nuit de neige❄
La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d’un bois.
Plus de chansons dans l’air, sous nos pieds plus de chaumes.
L’hiver s’est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l’horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.
La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu’elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s’empresse à nous quitter.
Et froids tombent sur nous les rayons qu’elle darde,
Fantastiques lueurs qu’elle s’en va semant ;
Et la neige s’éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.
Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n’ayant plus l’asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.
Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur oeil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu’au jour la nuit qui ne vient pas.
❄Guy de Maupassant, Des vers❄
On connaît peu les vers de Maupassant. Il a pourtant taquiné la muse de la poésie lyrique et publié des poèmes variés : érotiques (Au bord de l’eau), émouvants (L’Aïeul), amoureux (Une conquête), tendres (Promenade à seize ans) ou simplement mélancoliques comme "Nuit de neige".
Dans ces poèmes de Maupassant, qui pour les plus longs sont de véritables petites nouvelles en vers, on retrouvera par touches tout ce qu’on aime chez cet immense auteur : l’art du récit et de la forme courte, l’érotisme, le fantastique, la cruauté, l’ironie et le désespoir.
❄Снежная ночь
Бела и безгласа равнина в покое.
Ни шума, ни звука: тут жизнь замерла.
Лишь часом угрюмый доносится плач
из леса: собака бездомная воет.
Нет птичьего пенья, соломки уж нету.
Цветенью погибель зима принесла;
деревьев раздетых до голого тла,
белеют вдали привиденья-скелеты.
Где стужа великая, в небе суровом
бледна и скуласта, несётся Луна,—
и среди руин нас бросает она,
долину унылым исследуя взором
Нас кроет сиянье, что холодом веет.
И бликов посев его чуден и вещ;
и снег озарённый поодаль зловещ:
под тенями странными еле бледнеет.
Во льду великаны-деревья нагие,
дрожат, беззащитные, где-то вдали,
чей взгляд непокойный по снегу разлит:
ждёт дня после ночи, пока не погибнет.
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